Pendant près de vingt ans, un mur invisible se dressait à l’âge de 60 ans dans le parcours administratif des personnes en situation de handicap.
Ce mur, c’était celui du critère d’âge pour accéder à la Prestation de Compensation du Handicap (PCH). Une barrière aujourd’hui en voie d’être levée, grâce à la loi n° 2025-138 du 17 février 2025 — une réforme majeure qui ouvre enfin de nouveaux droits à des milliers de personnes atteintes de pathologies comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA).
⚖️ Une inégalité historique entre PCH et APA
Jusqu’à présent, toute personne dont le diagnostic de handicap survenait après 60 ans ne pouvait pas bénéficier de la PCH. Elle relevait alors de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), une aide conçue pour la dépendance liée à l’âge, et non pour les handicaps lourds.
Or, l’APA ne couvre pas les mêmes besoins :
- Peu ou pas de financement pour les aides techniques (fauteuils, dispositifs de communication, domotique adaptée…)
- Une aide humaine limitée, souvent insuffisante pour compenser la perte d’autonomie liée à une pathologie évolutive
- Et surtout, une inadaptation totale aux besoins de communication des personnes atteintes de maladies comme la SLA ou le syndrome de Rett.
Cette distinction administrative entre “personnes âgées dépendantes” et “personnes handicapées” créait une injustice majeure pour des milliers de malades dont la maladie se déclare autour de 60 ans, à l’âge précisément où le droit basculait.
🏛️ La loi du 17 février 2025 : une reconnaissance légale des pathologies à évolution rapide
Adoptée à l’unanimité, la loi n° 2025-138 du 17 février 2025, “pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d’autres maladies évolutives graves”, modifie le Code de l’action sociale et des familles sur deux points essentiels.
1️⃣ Identification et traitement prioritaire des demandes
« La maison départementale des personnes handicapées identifie, à leur dépôt, les demandes de compensation des personnes atteintes de pathologies d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles… »
(Nouvel article L.146-7-1 du CASF)
👉 Concrètement, les MDPH devront désormais traiter en priorité les dossiers des personnes atteintes de maladies neuro-évolutives graves. Une procédure express existait souvent déjà, mais cela impliquait une demande spécifique et la loi n’uniformisait pas forcément cette procédure au niveau de toutes les MDPH/MDA. Elle y seront dorénavant contraintes.
2️⃣ Suppression partielle du critère d’âge
« Les personnes d’un âge supérieur à la limite mentionnée (…) mais dont les besoins de compensation résultent des conséquences d’une pathologie d’évolution rapide et causant des handicaps sévères et irréversibles » deviennent éligibles à la PCH.
(Modification de l’article L.245-1 du CASF)
En clair : une personne atteinte de SLA, Huntington ou d’autres pathologies similaires pourra bénéficier de la PCH, même si son diagnostic survient après 60 ans. C’est une véritable reconnaissance d’une distinction nette entre situation de handicap et âge avancé (en tout cas pour certaines pathologies évolutives).
C’est une rupture majeure avec près de deux décennies de jurisprudence restrictive.
⏳ Une application encore suspendue
Si la loi est votée, elle n’est pas encore pleinement appliquée.
Comme l’a précisé la ministre déléguée dans une réponse parlementaire publiée le 8 juillet 2025 :
« La loi du 17 février 2025 (…) a ouvert l’accès à la PCH aux personnes de plus de 60 ans (…) Les pathologies concernées seront précisées par voie réglementaire. »
Autrement dit, tant que l’arrêté ministériel listant les pathologies concernées n’est pas publié, les MDPH ne sont pas encore obligées d’appliquer la mesure.
Cela signifie que, dans la pratique, chaque dossier doit aujourd’hui encore être examiné au cas par cas. Mais la réforme crée une base juridique solide pour préparer cette ouverture des droits.
Reste à espérer que le contexte politique actuel ne ralentisse pas la publication de cet arrêté ministériel vital pour des milliers de français chaque année.
💬 Un soulagement pour les familles… mais une réforme encore incomplète
Cette évolution législative vient corriger une inégalité dénoncée depuis longtemps par les associations et professionnels du handicap. Elle représente une reconnaissance officielle des maladies neuro-évolutives et de leurs besoins spécifiques, notamment en matière de communication alternative et assistée (CAA), d’aides techniques ou de domotique adaptée.
Cependant, le critère d’âge n’a pas été totalement supprimé : les autres formes de handicap diagnostiquées après 60 ans (accidents, troubles sensoriels, handicaps moteurs non évolutifs…) restent exclues de la PCH.
C’est donc une victoire partielle, mais cruciale, pour des familles confrontées à la SLA, à la maladie de Huntington ou à d’autres pathologies à évolution rapide.
🧭 Et maintenant ?
Chez JIB, nous saluons cette avancée, qui ouvre la voie à une meilleure équité dans l’accès aux aides techniques et à la communication pour tous.
Nous suivrons de près la publication de l’arrêté ministériel, qui devrait préciser la liste officielle des pathologies concernées et les modalités d’instruction par les MDPH.
