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En juillet 2025, deux annonces gouvernementales ont marqué une inflexion concrète dans le secteur du handicap en France. D’un côté, la généralisation des équipes mobiles de Communication Alternative et Améliorée (CAA) dans chaque département. De l’autre, une feuille de route ambitieuse pour les MDPH, visant à simplifier et humaniser les parcours administratifs. Ce double mouvement ne constitue pas un simple ajustement : il traduit une volonté réelle de transformer la relation des personnes en situation de handicap avec les institutions.

Le retard français rattrapé (enfin)

Loin d’être un choix marginal, la CAA constitue un droit fondamental. Elle englobe des solutions très variées — pictogrammes, tablettes, supports gestuels — composées pour permettre à des personnes privées ou partiellement privées de langage oral de communiquer efficacement (Source : Le Monde.fr). Selon Le Monde, malgré ses bénéfices, la France souffre d’un retard systémique intriguant, souvent lié à la domination de projets isolés plus qu’à une politique publique structurée. La conséquence est grave : des millions de personnes restent sans accès adapté pour s’exprimer librement, et la CAA reste trop souvent l’initiative personnelle d’un professionnel isolé.

Ce constat est confirmé par une initiative de la Croix-Rouge : entre 2016 et 2020, malgré le déploiement de kits, de formations et le soutien de plusieurs centaines de professionnels, le bénéfice réel pour les utilisateurs reste limité à l’échelle nationale. Il faut dire que les effectifs professionnels manquent encore d’ampleur : on recense environ 14 930 ergothérapeutes en France début 2023 (Chiffres ANFE), à peine plus que les quelque 13 600 de 2020, soit une densité de 20,4 pour 100 000 habitants — un chiffre largement sous-dimensionné comparé à d’autres pays européens, comme l’Allemagne avec 169 ergothérapeutes pour 100 000 habitants ou le Danemark (avec environ 100 pour 100 000 habitants). De même du côté des orthophonistes (également fortement sollicités sur le sujet de la CAA), avec un ratio de 31 pour 100 000 en France, contre 47 pour 100 000 aux Pays-Bas et 105 pour 100 000 en Belgique (soit trois fois plus).

Une réponse institutionnelle et chiffrée

L’annonce est claire dans le Bulletin officiel n° 2025/15 du 30 juin 2025 (lire dès la page 170 : Lien publication). Chaque département disposera d’une équipe mobile CAA d’au moins 2 équivalents temps plein d’ici fin 2027, ce qui représente la création de 200 nouveaux postes. Ces équipes — composées d’orthophonistes, d’ergothérapeutes, d’éducateurs spécialisés — auront pour mission d’évaluer les besoins, de sensibiliser les professionnels et les familles, d’initier les usages d’outils CAA dans tous les contextes, y compris à domicile. Un budget de 6,5 millions d’euros dès 2025, culminant jusqu’à 250 000 € par département, devrait soutenir cette montée en puissance. La mention explicite de l’utilisation de ces fonds est orientée vers le financement des équipes salariées en charge des opérations de ces équipes mobiles CAA, mais il est probable (et surtout souhaitable) que des financement soient dédiés à l’acquisition de matériel CAA (low-tech comme high-tech) et la formation des professionnels de ces équipes sur l’utilisation de ces outils autant que les méthodes éprouvées de mise en pratique de la CAA.

Cette mesure, si elle est effectivement mise en œuvre, transforme la CAA de problématique marginale en projet national tangible, avec un véritable enjeu de cohérence et de structuration des savoir-faire.

Ce qu’attendent terrain et recherche

Les études montrent que la mise en place d’un outil CAA renforce non seulement les compétences de communication, mais aussi le pouvoir d’agir des personnes concernées, dès leur plus jeune âge. L’orthophonie et l’ergothérapie y jouent un rôle complémentaire : le choix de l’outil et son adaptation relève de l’orthophoniste ; son positionnement ergonomique et son appropriation dans la vie quotidienne, de l’ergothérapeute. Cette approche interdisciplinaire est la clé pour que la CAA ne reste pas un outil, mais devienne un levier d’autonomie.

Mais la vraie question est : ces équipes seront-elles formées, équipées, soutenues et suivies ? Car sans formation continue, un véritable budget d’équipement pour permettre le test de matériel, un pilotage national exigeant et ressources stables, le risque demeure que le retard soit atténué… sans être comblé. Il est également essentiel que ces équipes soient connues et reconnues au sein des territoires où ils opèrent pour être sollicités dans tous les cas de demande : de nombreux dispositifs d’équipe mobile et autres accompagnement sont trop souvent en France méconnus par les professionnels paramédicaux terrains qui devraient en théorie orienter leur patients vers ces structures. Nous voyons cela notamment dans le cas des CICAT et nouvelle EQLAAT, ainsi que des d’autres structures d’expertise dans les nouvelles technologies qui restent largement sous-sollicités sur leurs territoires par manque de visibilité de l’ensemble des professionnels (autant en établissement qu’en libéral ou équipes mobiles).

Une modernisation parallèle des MDPH

En parallèle, les MDPH sont au cœur d’une transformation profonde issue d’un Tour de France des solutions (Lien du rapport). Construit avec plus de 200 acteurs, 115 agents, et 35 associations dans dix départements, ce travail co-construit aboutit à une feuille de route articulée autour de quatre axes : alléger les démarches, écouter et accompagner, simplifier les décisions, soutenir les agents.

Parmi les mesures phares : l’instauration de droits à vie (AAH, PCH, CMI, RQTH) pour les situations de handicap non évolutive à partir de septembre 2025 ; l’automatisation de l’AEEH de base jusqu’à 20 ans, alignée sur les rythmes scolaires ; modernisation des formulaires MDPH ; intégration renforcée des paramédicaux dans l’expertise et la décision (notamment pour les certificats médicaux et la RQTH à partir de 16 ans). Le formulaire se veut plus clair, plus lisible, autrement conçu avec une dimension « projet de vie » plus valorisée.

Ces évolutions représentent une avancée considérable en matière de dignité administrative. Elles mettent fin à des pratiques jugées déshumanisantes, lourdes ou irrationnelles, en remettant l’usager au centre du dispositif. Elles libèrent également les MDPH d’un fonctionnement bureaucratique pour favoriser un accompagnement plus humain et adaptatif.

Une dynamique à consolider

Ces deux réformes, l’une technologique et humaine, l’autre administrative et institutionnelle, s’inscrivent dans un même mouvement : replacer l’accompagnement et l’expression des personnes en situation de handicap au cœur des politiques publiques.

Le défi est double : garantir la pérennité du financement, et construire une formation et un pilotage solides, capables d’assurer l’uniformité territoriale et la montée en puissance des compétences. Si ces conditions sont respectées, l’année 2025 pourrait rester comme un moment clé où, d’un coup, la France a fait un pas décisif vers une inclusion véritable — en ligne avec les meilleures pratiques européennes et les droits fondamentaux.

Les personnes en situation de handicap françaises restent largement sous-accompagnées, sous-équipées en aides techniques et de ce fait largement moins intégrées (dans l’emploi, l’éducation et la vie sociale) que leurs voisins européens. Il est urgent que des décisions de profondeur viennent modifier ces équilibres pour assurer que la France réponde à ses engagements sur le respect des droits des citoyens handicapés.

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